La certification booste les professionnels de l’institut médico-éducatif d’Angoulême

Article Hospimedia par Emmanuelle Deleplace

De la paperasse et des contraintes supplémentaires, c’est souvent comme cela qu’est appréhendé par les équipes l’engagement dans une démarche de certification. Mais quand Cap Handéo a accordé sa certification à l’institut médico-éducatif Agir et vivre l’autisme d’Orléans, les professionnels l’ont vécu comme une reconnaissance du travail accompli.

Ce 18 septembre, Julien Paynot, directeur général d’Handéo, est venu en personne remettre à l’institut médico-éducatif (IME) Agir et vivre l’autisme sa certification autisme Cap Handéo, la première dans le département de la Charente. Une belle reconnaissance pour l’établissement historique de cette association parentale qui compte vingt-neuf établissements et services pour les enfants autistes à travers la France.

L’IME est une petite structure qui compte dix places auxquelles s’ajoutent un service d’éducation spéciale et de soins à domicile, un dispositif d’autorégulation et une équipe mobile d’appui médico-social à la scolarisation. Dix-huit professionnels travaillent sur l’ensemble dont onze en tout ou partie pour l’IME. “Les recommandations de bonnes pratiques sont la clé de voûte de notre établissement, explique Michaël Perry, directeur de la structure. Il nous semblait important pour les professionnels comme pour les familles à la fois de nous assurer que nous allions dans le bon sens et que ce travail de qualité puisse être officiellement reconnu.”

Six mois de travail intense
S’engager dans une certification est un travail de longue haleine qui exige investissement et rigueur. De septembre à décembre 2022, l’équipe structure sa méthode de travail à partir d’un autodiagnostic. En janvier et février 2023, arrive le travail de mesures basé sur la traçabilité de toutes les actions. La culture de la preuve est en effet au centre de l’évaluation. Du 22 au 24 février, trois auditeurs, un expert métier, un expert usager et un pilote Handéo, viennent examiner la structure et son fonctionnement. Les auditeurs ne soulèvent pas de non-conformité mais appellent à trois points de vigilance. Ces derniers sont corrigés et en juin la certification est attribuée, à l’unanimité, pour trois ans.

Un défi autisme en Nouvelle-Aquitaine
Pour parvenir à la certification, Agir et vivre l’autisme a pu profiter du défi qualité autisme lancé en 2019 par l’ARS Nouvelle-Aquitaine. Quatre-vingt-quatorze établissements et services médico-sociaux ont pu ainsi bénéficier, sur la période 2019-2022, d’une aide financière de 4,5 millions d’euros pour payer le coût de la certification mais surtout mettre en place les formations et les procédures répondant au cahier des charges Handéo. Plus d’une cinquantaine d’établissements sont aujourd’hui certifiés.

“Au départ nous étions un peu inquiets car c’est un travail qui s’ajoutait au quotidien. Il a fallu créer des documents pour assurer la traçabilité de toutes nos actions et les remplir, explique Marie de Facq, psychologie et responsable pédagogique. Mais aujourd’hui nous en voyons les bénéfices. Cela met en lumière tout le travail que nous faisions déjà et notamment le lien avec les familles qui est ici très fort. Au final, la démarche a rapproché les membres de l’équipe.” “C’était prenant, il fallait décortiquer tout ce qu’on faisait naturellement, se réajuster sur ce qui pouvait sembler des détails”, commente Morgane Tricot, monitrice éducatrice.

Maylis Malossane est éducatrice spécialisée dans l’IME depuis son ouverture en 2010. Quand la direction lui annonce l’audit par le comité d’experts, elle est d’abord stressée puis, explique-t-elle, “cela a été un entretien professionnel extrêmement enrichissant, l’occasion de parler de ma pratique, de réfléchir à des améliorations avec des experts. Au final je suis très fière de ce travail.” Tout le monde est embarqué dans cette évaluation, y compris Emmanuelle Guyot, ergothérapeute libérale qui intervient une demi-journée par semaine dans l’établissement. “Ce travail m’a réconcilié avec la démarche qualité après une expérience dont je gardais un mauvais souvenir à l’hôpital. Cela reste un travail fastidieux mais les pieds dans le terrain avec au centre l’enfant et ses besoins.”

Les parents sont également partie prenante de la démarche. “Même si les familles sont encore loin de pouvoir choisir leur établissement vu la pénurie, cela nous conforte sur le fait que ce qui est fait ici est vraiment de qualité. Le fait que ce ne soit pas un diplôme délivré à un instant T mais un processus régulièrement réévalué c’est très rassurant pour nous en cas de changement du personnel au sein de l’établissement”, explique Bénédicte Granier, présidente du conseil de vie sociale (CVS) et de l’association des parents affiliée à Autisme France.

La formation, un axe fort
L’une des six thématiques du référentiel porte sur la formation. Agir et vivre l’autisme n’a pas de baguette magique pour recruter des professionnels d’ores et déjà formés à l’autisme. L’association choisit donc d’investir dans des formations. “Outre le compagnonnage avec les collègues plus anciens, nous avons mis en place des cycles de formation systématiques. La première année nos professionnels auront au moins huit à dix jours de formation sur l’autisme et la méthode ABA (Applied Behaviour Analysis traduit en français par analyse comportementale appliquée)”, explique Ana Bibay directrice pédagogique. Il peut sembler étonnant de constater qu’un IME peut être certifié alors même qu’il ne dispose pas d’enseignant spécialisé. “Il était impossible d’inclure dans notre référentiel le travail de professionnels dont nous savons que les opérateurs n’ont pas la main sur l’embauche puisqu’il s’agit d’enseignants détachés par l’Éducation nationale”, explique Julien Paynot. “Nous faisons des demandes régulières d’enseignants et nous venons cette année d’obtenir un poste dans notre établissement parisien”, précise Ana Bibay.

Que de chemin parcouru pour les professionnels et administrateurs dont certains sont là depuis l’ouverture en 2010. “Quand nous avons voulu créer un établissement avec une pédagogie basée sur les méthodes comportementales, nous avons été pris pour des fous ou pour une secte”, se souvient Christophe Chartier, parent et administrateur de l’association. “C’est un euphémisme de dire que nous avons commencé à travailler en milieu hostile”, ajoute Véronique Hubert, directrice générale de l’association qui fut, et pendant onze ans, la première directrice de cet IME. “Offrir un environnement de qualité et des réponses adaptées reste un combat de tous les instants, la certification légitime notre travail”, conclut-elle en annonçant le lancement dans la démarche de certification du service d’éducation spéciale et de soins à domicile d’Angoulême et des IME de Marseille (Bouches-du-Rhône) et de Sarrians (Vaucluse).

Toujours pas d’équivalence avec l’évaluation HAS
Handéo a lancé sa certification autisme à l’été 2018 en s’appuyant sur trois piliers : les recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé (HAS), l’instruction du 18 décembre 2015 relative à l’évolution de l’offre médico-sociale accueillant et accompagnant des personnes avec troubles du spectre de l’autisme, et le label déjà développé par Autisme France. “Il fallait trouver le juste équilibre entre un haut niveau d’exigence et un travail réalisable sur le terrain”, explique Julien Paynot. L’exigence reste au rendez-vous puisque, à ce jour, seulement un peu plus de la moitié des établissements audités ont obtenu leur certification.

Le mouvement de certification qui était bien parti avec des incitations d’une poignée d’ARS, au premier rang desquelles celle de Nouvelle-Aquitaine, semble connaître une inflexion depuis la mise en place de la nouvelle organisation des évaluations médico-sociales de la HAS. En effet, l’équivalence entre certification et évaluation a été supprimée (lire notre article). “Cela fait un an que nous cessons de demander à la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) de publier un décret rétablissant l’équivalence entre des certifications plus exigeantes et l’évaluation. C’est une perte de temps et d’argent, donc au final d’argent public, pour les opérateurs certifiés qui doivent quand même réaliser l’évaluation. De plus, comme l’évaluation est obligatoire, le choix est vite fait pour certains”, regrette Julien Paynot.


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